مجلة مغرب القانونمقالاتLa reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères en Droit international privé français

La reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères en Droit international privé français

Ahmed Mountasir étudiant chercheur au doctorat de l’université de Nice sophiaantipolis. Laboratoire de droit privé et sciences criminelles – faculté de droit et sciences politiques de Nice.

 

En raison de l’indépendance des ordres juridiques les jugements étrangers ne jouissent d’aucun effet normatif ou procédural que l’Etat du for ne leur aurait pas attaché, même si on assiste aujourd’hui à une importante libéralisation des conditions d’accueil de ces jugements.

Les systèmes juridiques des différents Etats ne sont pas des vases clos, surtout dans notre société de plus en plus mondialisée. Affirmer le contraire conduirait à des situations absurdes comme le fait pour des époux divorcés dans leur pays d’origined’être considérés comme mariés dans les autres Etats.
Le principe de continuité des situations juridiques individuelles a par conséquent conduit à accepter que des décisions étrangères soient reconnus et puissent être exécutées en France.

La notion de jugement utilisée pour définir les actes étrangers susceptibles d’être reconnus en France désigne « tous les actes individuels, qu’ils soient formellement judicaires, législatifs ou administratifs dès lors qu’ils sont pourvus d’une vocation normative […] [et portent] sur un rapport de droit privé ».

Nous n’analyserons ici que le droit commun à l’exclusion du droit communautaire. Il convient de noter que le droit commun ne s’applique que de manière résiduelle du fait de la multiplication des conventions internationales.

Nous commencerons par étudier les conditions de régularité internationale des jugements
étrangers (I) puis nous nous intéresserons aux différentes voies procédurales qui permettent de leur conférer de l’efficacité (II) et aux effets qu’ils peuvent produire dans l’Etat d’accueil (III).

I)Les conditions de régularité internationale des jugements étrangers :

Aussi bien pour la reconnaissance de plein droit que pour l’octroi de la force exécutoire, la décision étrangère doit être conforme à certaines conditions d’accueil. À l’instar du droit de l’Union européenne, le droit commun connaît une importante libéralisation de ces conditions. Ce système de contrôle « est dominé par un principe de faveur à la reconnaissance des jugements étrangers dans le but de préserver la continuité internationale des situations individuelles et les légitimes espérances que les particuliers ont pu nourrir sur le fondement des décisions prononcées par des justices étrangères ».

Au départ ce contrôle de régularité consistait pour le juge requis – c’est-à-dire celui devant lequel la demande de reconnaissance est portée- en une appréciation du bien-jugé en fait et en droit de la décision étrangère. Cette révision au fond a été abandonnée par l’arrêt « Munzer » rendu par la 1re chambre civile de la Cour de cassation le 7 janvier 1964 qui énonce que « le juge français doit s’assurer que cinq conditions se trouvent remplies, à savoir la compétence du tribunal étranger qui a rendu la décision, la régularité de la procédure suivie devant cette juridiction, l’application de la loi compétente d’après les règles françaises de conflit, la conformité à l’ordre public international et l’absence de toute fraude à la loi, […] sans que ce juge doive procéder à une révision au fond de la décision.».

Depuis on n’analyse plus le raisonnement au fond qui a conduit au jugement étranger et on ne modifie plus le contenu de ce dernier. Le contrôle effectué est de nature objective. On reconnait donc plus volontiers la valeur propre du jugement étranger, et ce même si un tribunal français aurait pris une toute autre décision. L’arrêt Munzer marque ainsi le début d’une libéralisation des conditions d’accueil des jugements étrangers et de la reconnaissance de leur valeur normative.

Aujourd’hui on ne retient plus que deux séries de conditions : la compétence internationale du juge étranger (ce que l’on appelle la compétence indirecte du juge) et le respect de l’ordre public. Le critère de la régularité de la procédure est désormais contrôlé au titre du respect de l’ordre public. En ce sens on peut citer l’arrêt Bachir de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 4 octobre 1967 qui retient que : « si le juge de l’exequatur doit vérifier si le déroulement du procès devant la juridiction étrangère a été régulier, cette condition de régularité doit s’apprécier uniquement par rapport à l’ordre public international français et au respect des droits de la défense » Le critère de l’application de loi compétente d’après les règles de conflit françaises vient d’être abandonné par la jurisprudence (Cass. Civ. 1re 20 février 2007 Cornelissen n° 05-14.082) après avoir été longtemps critiqué par la doctrine. Dans un premier temps on avait déjà allégé cette condition en retenant l’exception d’équivalence qui consiste à établir que la loi appliquée équivaut à celle désignée par la règle de conflit pour éviter l’invocation de faux conflits de lois à des fins dilatoires. En ce qui concerne le critère de l’absence de fraude, il est en réalité inclus dans le contrôle de la compétence indirecte du juge étranger.

Ce système de contrôle est obligatoire si on demande la reconnaissance, l’inopposabilité ou l’exécution d’un jugement étranger, puisque ces hypothèses peuvent emporter des conséquences sur des tiers et la cohésion de l’ordre juridique du for. Selon la doctrine on pourrait admettre que pour des droits dont les parties ont la libre disposition seule la conformité à l’ordre public relève d’un contrôle d’office et que les autres conditions ne soient vérifiées qu’en cas de contestation par une des parties de leur régularité. Cependant les solutions jurisprudentielles ne permettent pas de dégager une solution claire, la Cour de cassation ayant opté en faveur d’un contrôle d’office en matière d’état des personnes mais n’ayant pas encore eu l’occasion de dégager une solution universelle. On peut aussi noter que le juge requis tient compte de la possibilité qu’ont les parties de soulever les irrégularités devant le juge étranger. Si elles en avaient la possibilité elles devraient les soulever dans un premier temps devant le juge étranger faute de quoi ils ne pourront pas les soulever devant le juge requis. Il s’agit d’un estoppel c’est-à-dire d’un principe selon lequel une partie ne saurait se prévaloir de prétentions contradictoires au détriment de ses adversaires.

A)   La compétence indirecte du juge étranger :

Si depuis l’arrêt Munzer de 1964 on ne recherche plus une identité au fond entre le jugement étranger et celui que le tribunal du for aurait rendu, on exigeait quand même une symétrie procédurale en ce sens que le juge étranger devait avoir été saisi selon le critère qui aurait fondé la compétence du juge français dans un cas franco-français. L’arrêt Simitch de la 1ere chambre civile de la Cour de cassation du 6 février 1985 (n° 83-11.241) apporte du changement et retient la méthode suivante : d’abord le juge requis doit se demander s’il s’agit d’un cas de compétence exclusive du juge français, puis, si la réponse est négative, il doit rechercher un lien caractérisé et non frauduleux entre le for étranger et le litige ayant donné lieu à la décision dont il s’agit de reconnaître la régularité. Pour reprendre les mots de l’arrêt on peut retenir que « toutes les fois que la règle française de solution des conflits de juridictions n’attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache d’une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux. »

En l’espèce la juridiction anglaise avait accordé à titre provisoire une pension alimentaire à l’épouse lors du divorce. Celle-ci demande la reconnaissance de la force exécutoire de cette décision en France. La Cour d’appel la déboute car elle ne reconnaît pas la compétence du juge anglais. La Cour de cassation au contraire considère que la décision est régulière car la nationalité britannique de l’épouse et la présence du domicile commun en Angleterre établissaient le lien caractérisé demandé.

1.Compétence exclusive:

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On a abandonné l’exclusivité indirecte attachée au privilège de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil.
Pour l’article 15 on peut citer l’arrêt Prieur de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 23 mai 2006 (n°04-12.777) qui retient que « l’article 15 du Code civil ne consacre qu’une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence indirecte d’un tribunal étranger, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l’Etat dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction n’est pas frauduleux. »

Pour l’article 14 on peut citer l’arrêt Fercometal de la 1ere chambre civile de la Cour de cassation du 22 mai 2007 (n° 04-14.716) qui dispose que « l’article 14 du code civil n’ouvre au demandeur français qu’une simple faculté et n’édicte pas à son profit une compétence impérative, exclusive de la compétence indirecte d’un tribunal étranger déjà saisi et dont le choix n’est pas frauduleux. »
En l’espèce la société défenderesse était française et aucune juridiction étrangère n’était saisie, c’est donc la juridiction française qui a été reconnue compétente. 

Depuis cet abandon la doctrine et la jurisprudence se basent surtout sur le droit européen qui retient comme hypothèses de compétence exclusive les cas où la souveraineté de l‘Etat requis se trouve en jeu (p.ex. en matière de nationalité française) ou ceux où la compétence exclusive semble s’imposer pour protéger une catégorie particulière de justiciables comme les consommateurs, les travailleurs ou encore les assurés.[1] C’est aussi le cas en matière de succession concernant des immeubles situés en France afin d’assurer une exécution effective et en cas de clause attributive de prévisibilité des solutions.

2.Lien caractérisé:

Une fois que l’on a vérifié le critère de la compétence exclusive, il convient de rechercher un lien caractérisé entre le litige et le pays ayant tranché celui-ci. On n’applique donc pas les critères français de compétence directe pour apprécier la compétence du juge étranger. La teneur de ce lien reste un sujet débattu. Doit-on surtout analyser la nature du litige ou au contraire le cadre procédural, dans quel cas la proximité et la commodité apparaissent comme déterminants ? Cette question reste aujourd’hui sans réponse claire et relève surtout du cas par cas, mis à part la présence du domicile du défendeur qui semble dans tous les cas être constitutif d’un tel lien caractérisé. La Cour de cassation vérifie ce lien caractérisé (p.ex. Cass. civ. 1re 5 mai 1998 ; Cass. Civ. 1re 28 janvier 2003 n° 00-15.344) pour garder un contrôle sur la compétence indirecte qui relèverait du seul pouvoir souverain d’appréciation des juges du fonds en cas de fusion des conditions d’absence de fraude et de lien caractérisé. Cette dualité de conditions quant à la compétence indirecte du juge étranger peut être illustrée par l’arrêt précité Cornelissen de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 20 février 2007 (05-14.082) qui énonce que «pour accorder l’exequatur hors de toute convention internationale, le juge français doit s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure et l’absence de fraude à la loi».

3. Absence de fraude

La jurisprudence sur cette condition est bien plus abondante. Cette condition était déjà posée par la Cour de Paris dans un arrêt « Mack Trucks » du 10 novembre 1971 qui estime qu’il n’existe a priori pas de raison de refuser l’accueil à un jugement obtenu sans fraude par un juge étranger acceptant de statuer. Si l’absence de fraude est établie on présume l’existence d’un lien caractérisé.

Comme on vient de le voir la Cour de cassation perçoit quant à elle l’absence de fraude comme une condition supplémentaire à celle du lien caractérisé afin de garder un contrôle plus objectif.
« En droit international privé, la fraude à la loi est définie par la mise en œuvre de manœuvres visant à éluder l’application d’une loi qui aurait normalement été applicable. La fraude à la loi se caractérise souvent par l’utilisation artificielle d’une règle de conflit de loi pour échapper à l’application d’une disposition nationale défavorable. » L’arrêt « Princesse de Bauffremont » de la Cour de cassation du 18 mars 1878 introduit la vérification de la fraude à la loi en matière d’exequatur. En l’espèce, la princesse voulait divorcer mais la loi française n’offrait pas cette possibilité. Elle est alors aller habiter en Allemagne et a changé de nationalité car la loi allemande autorisait son remariage. Le premier mari demande l’annulation du second mariage, ce qui amène la Cour de cassation à retenir une fraude à la loi car la femme a uniquement acquis la nationalité allemande pour échapper aux lois françaises.

 À côté de la fraude à la loi, on doit aussi vérifier la fraude à la compétence juridictionnelle (saisine artificielle du juge étranger en l’absence de tout lien caractérisé entre le litige et le juge saisi), la fraude au jugement (demande au juge étranger une décision impossible à obtenir par les juges du for, notamment pour profiter de l’effet atténué de l’ordre public, tout en sachant que le forum shopping n’est pas nécessairement frauduleux) et la fraude aux droits d’autrui (profite de l’éloignement du procès étranger pour empêcher le défendeur d’exercer une défense utile).

Il semble difficile d’établir une fraude en cas d’existence d’un lien caractérisé entre le juge saisi et le litige. Le critère du lien caractérisé permet en effet à lui-seul d’écarter la régularité des jugements de divorce « touristique » notamment.  La fraude a cependant parfois été retenue malgré l’existence d’un lien caractérisé, c’est notamment le cas dans l’arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de Cassation du 28 mars 2006 (n°03-18.934) qui énonce qu’ : « en matière de divorce, la règle française de conflit de juridiction n’attribuant pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger est reconnu compétent si le litige se rattache d’une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux ; qu’ayant relevé que la chronologie des procédures démontrait que M. X… avait délibérément choisi la juridiction algérienne postérieurement à la procédure engagée en France par Mme Y… pour échapper aux conséquences financières du divorce prononcé en France, la cour d’appel a pu en déduire que le choix de la juridiction algérienne avait été frauduleux, de sorte que cette juridiction ne pouvait pas être considérée comme internationalement compétente ».

En revanche ni le lien caractérisé ni l’absence de fraude ne permettent d’écarter la régularité des répudiations musulmanes car les autorités de l’Etat de la nationalité commune des époux (p.ex. des Algériens résident en France) est légitime : dans ces cas on se place surtout sur terrain de l’ordre public.
« Dans la mesure où la règle de contrôle de la compétence indirecte devient très souple, il y a des cas où la juridiction étrangère saisie est celle du demandeur qui a une résidence stable dans ce pays […] et il arrive parfois que le défendeur soit complètement désarmé, car parmi les États qui composent l’O.N.U., il y a des États dans lesquels on peut compter sur la sérénité, l’objectivité, la justice de leurs juridictions, mais il y a d’autres Etats où le défendeur étranger a toujours tort. »

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Le critère de la conformité à l’ordre public apparaît donc comme cardinal.

B.Conformité à l’ordre public

La décision étrangère dont on veut faire reconnaître la régularité doit être conforme à l’ordre public du for aussi bien sur le fond qu’au niveau de la procédure.

1.Valeurs substantielles

On est plus tolérant quant à l’ordre public quand on demande la reconnaissance d’un jugement étranger que quand on saisit un juge français en premier lieu. L’accueil des jugements étrangers figure en effet parmi ce que la doctrine a pu qualifier d’ordre public atténué » à la suite d’une  nouvelle position jurisprudentielle introduite par l’arrêt « Rivière » de la chambre civile de la Cour de cassation rendu le 17 avril 1953.  Cet arrêt énonce que « la réaction à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou suivant qu’il s’agit de laisser se produire en France les effets d’un droit acquis, sans fraude, à l’étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du droit international privé français ».
On ne peut par exemple pas célébrer un mariage polygamique en France mais on a longtemps admis certains effets à un tel mariage célébré à l’étranger ; ainsi on a pu accorder une pension alimentaire à la deuxième femme. (cf arrêts Chemouni, Cass. civ. 1ère, 28 janvier 1958 et Cass. civ. 1ère, 19 février 1963, n° 60-11.930)

L’ordre public atténué implique de n’analyser que la conformité des effets que la décision étrangère a in concreto. Le juge de l’Etat requis n’a donc pas le droit de rejuger en fait et en droit le litige mais il « doit pouvoir examiner les éléments de fait nécessaires à l’exercice de son contrôle de régularité » . Il importe peu que la décision étrangère aurait été impossible à obtenir en France. Cependant il est souvent « difficile de dissocier l’appréciation de la situation source de celle de ses effets » notamment en matière de répudiations musulmanes. Ceci peut s’expliquer par l’importance que l’on accorde en France aux droits fondamentaux qui s’appliquent avec la même rigueur aux jugements étrangers qu’aux jugements nationaux.

Il ressort de l’arrêt Munzer de 1964 précité que « lorsqu’il s’agit de donner effet en France, par une décision d’exequatur, à des droits régulièrement acquis à l’étranger, l’ordre public, qui n’intervient que par son effet atténué, se trouve moins exigeant que pour l’acquisition des mêmes droits en France.

C’est ainsi que peut être accordé l’exequatur d’une décision étrangère condamnant un époux séparé de corps au versement des arrérages de la pension alimentaire mise à sa charge, impayée depuis vingt-huit ans. En effet, le principe que les dettes alimentaires ne s’arréragent pas, simple présomption appelée à s’effacer devant la preuve contraire, peut être considéré comme d’intérêt privé, et la règle de l’article 2277, si elle constitue bien un mode de libération du débiteur en dehors de tout payement, ne joue pas néanmoins de plein droit, est susceptible de renonciation, et ne peut être supplée d’office par le juge. »

L’appréciation des jugements étrangers tombe dans ce que Jean Foyer a nommé « l’ordre public de proximité » qui « pose des limites à la tolérance de la situation créée à l’étranger en protégeant les valeurs du for en raison de l’existence de liens avec la France. »  Cet ordre public de proximité peut notamment s’observer dans l’arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de Cassation du 10 février 1993 (n° 89-21.997) qui énonce que « si les lois étrangères qui prohibent l’établissement de la filiation naturelle ne sont, en principe, pas contraires à la conception française de l’ordre public international, il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de priver un enfant français ou résidant habituellement en France, du droit d’établir sa filiation. »

2.Valeurs procédurales:

Très lié au droit fondamental au procès équitable, l’ordre public procédural gagne en importance lors du contrôle de la régularité des jugements étrangers.

La Cour de cassation retient dans un arrêt de la 1re chambre civile du 19 septembre 2007 (n°06-17.096) que « la contrariété à l’ordre public international de procédure d’une décision étrangère ne peut être admise que s’il est démontré que les intérêts d’une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de la procédure ».

Il comprend traditionnellement le respect des droits de la défense, c’est-à-dire principalement le respect d’une procédure contradictoire et l’obligation de motiver la décision. Aujourd’hui on y ajoute une protection procédurale du demandeur qui comprend le droit d’accès à la justice. La variabilité dans le temps de la conception française de l’ordre public international peut engendrer de nombreuses incertitudes.

Quant à la nécessité d’une motivation, la 1re chambre civile de la Cour de cassation énonce dans un arrêt en date du 17 mai 1978 (n°76-14843) qu’«est contraire à la conception française de l’ordre public international la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante et à permettre de s’assurer que cette décision remplit les conditions exigées pour sa reconnaissance notamment quant au respect de l’ordre public. »

Cet ordre public procédural étendu a notamment conduit à abandonner l’exclusivité indirecte attachée au privilège de juridiction de l’article 15 (cf arrêt Prieur de 2006 précité).

II.Les voies procédurales de l’efficacité

L’efficacité du jugement étranger en France est ainsi soumise au respect des conditions de régularité internationale des jugements qui ont été étudiées précédemment.

En droit français, deux voies de réception du jugement étranger sont envisageables : soit n’est exigé aucun contrôle a priori, le jugement échappe alors à toute formalité préalable (même si un contrôle de régularité a posteriori peut être exercé ultérieurement), soit est au contraire exigé un contrôle de régularité préalable à la réception du jugement. Il s’agit respectivement de la reconnaissance de plein droit du jugement étranger et de l’exequatur.

A.La reconnaissance de plein droit

Un jugement étranger peut bénéficier d’une reconnaissance de plein droit, sans qu’aucune formalité préalable ne soit exigée. Il s’agit de l’effet de plano du jugement étranger.

Le principe de la reconnaissance de plein droit a été défini par la jurisprudence qui a pris conscience de la difficulté d’exiger systématiquement un contrôle préalable du jugement étranger. Ainsi, a progressivement été introduit en droit français, parallèlement à la procédure d’exéquatur, le système de la reconnaissance de plein droit qui permet au jugement étranger d’être efficace en France dès son prononcé.

1.L’applicabilité du principe de reconnaissance de plein droit

La première étape a été franchie avec l’arrêt Bulkley rendu par la Chambre civile de la Cour de cassation le 28 février 1860. En l’espèce, une hollandaise divorcée selon un jugement hollandais s’était vu opposer en France, par les autorités françaises, où elle souhaitait se remarier avec un Français, le défaut d’exequatur du jugement hollandais et l’incapacité matrimoniale qui en découlait.
La Cour de cassation a alors cassé la décision des juges du fond en ce sens et a retenu qu’un étranger divorcé à l’étranger peut se remarier en France sans que le jugement étranger de divorce n’ait à recevoir exequatur.

La Chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser cette solution dans un arrêt De Wrède  rendu le 9 mai 1900, qui pose que « l’annulation d’un mariage, légalement et définitivement prononcée, doit être à l’abri de toute attaque, soit de la part de tiers, soit de la part des époux, parce que l’état de personnes ne peut demeurer incertain, sans qu’il en résulte un trouble profond dans les familles et une atteinte grave à l’ordre social ». Il s’agissait alors de reconnaître un jugement étranger déclarant la nullité́ d’un mariage, jugement sur le fondement duquel les juges français ont admis la validité d’un remariage.

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Ainsi, à partir de 1900, tous les jugements étrangers d’état des personnes, jugements constitutifs (cf. arrêt Bulkley) ou déclaratifs (cf. arrêt De Wrède), produisent de plein droit tous leurs effets indépendants de l’exécution (efficacité substantielle et autorité de chose jugée).

Dans l’arrêt Hainard rendu par la Chambre des requêtes le 3 mars 1930, la Cour de cassation a concrétisé la situation considérant que « les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes, produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur, sauf les cas où ces jugements doivent donner lieu à des actes d’exécution matérielle sur les biens ou de coercition sur les personnes ». Il s’agissait là encore d’une décision de divorce prononcée à l’étranger. Peuvent également bénéficier d’une reconnaissance de plein droit les jugements patrimoniaux constitutifs, cela est admis de longue date.

Seuls les jugements patrimoniaux déclaratifs seraient toujours exclus. Ce serait le cas notamment d’un jugement étranger annulant un contrat. Les jugements patrimoniaux déclaratifs suscitent en effet des difficultés. Dans une affaire Negrotto, il s’agissait d’un jugement étranger non revêtu de l’exequatur qui condamnait une personne à payer une somme d’argent et à restituer des biens. Une procédure était ouverte sur la même question devant le juge français à la demande de la personne ayant succombé à l’étranger. La partie ayant obtenu gain de cause à l’étranger avait alors invoqué le jugement étranger au soutien d’une exception de chose jugée. L’exception avait été écartée par les juges du fond mais la Cour de cassation a considéré que « la partie contre laquelle le jugement étranger a été rendu conserve la faculté de porter devant une juridiction française le litige tranché par la juridiction étrangère, sans que l’autre partie puisse soit s’opposer à un nouvel examen de l’affaire en invoquant l’article 1351 du code civil, soit faire échec à la juridiction de la justice française, en introduisant dans ce but une demande d’exequatur de la sentence obtenue par elle hors de notre territoire ». Cette solution, confirmée par la suite, subordonne ainsi la reconnaissance de l’autorité de chose jugée à l’octroi de l’exequatur.

Pour les jugements patrimoniaux déclaratifs, l’exequatur demeure donc indispensable. Toutefois, comme le précise François Mélin dans son ouvrage, pour la doctrine, seul devrait être pris en considération l’effet recherché. Cela reviendrait à faire bénéficier de la reconnaissance de plein droit tous les jugements – déclaratifs ou constitutifs – tant que ne serait pas recherchée la force exécutoire du jugement. Cela tendrait alors à une généralisation de la reconnaissance de plein droit à tous les jugements étrangers.

2.Les modalités de contrôle de régularité a posteriori

Comme le fait remarquer le professeur Olivier Cachard, il s’agit d’une « marque de confiance »  que l’on accorde au jugement étranger. La reconnaissance de plein droit repose sur une présomption de régularité, présomption simple, qui peut être renversée. En effet, en cas d’irrégularité internationale, le jugement étranger peut être neutralisé ultérieurement par le biais d’un contrôle a posteriori.

En matière de reconnaissance de plein droit, on considère qu’une incertitude persiste. Il n’y a pas de formalité préalable obligatoire mais, pour lever le doute, les parties peuvent demander qu’un contrôle de régularité soit opéré a posteriori, soit par voie incidente, soit par voie principale.

S’agissant du contrôle incident lors d’une procédure de fond, il s’agit soit d’invoquer l’irrecevabilité de l’action introduite par l’autre partie devant les juridictions françaises, soit de rapporter la preuve d’un fait (effet de fait ou effet de preuve).

Ainsi, le jugement étranger peut être invoqué lors d’une procédure de fond à l’appui d’une fin de non-recevoir tirée de l’efficacité substantielle ou de l’autorité de la chose jugée. La régularité du jugement étranger fera alors l’objet d’un débat contradictoire, il appartiendra au défendeur à la reconnaissance de la contester pour neutraliser l’irrecevabilité soulevée.

B.Les effets tributaires de régularité internationale

On trouve dans cette catégorie les effets normatifs (substantiels) qui sont attribués par le juge et les attributs (l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire) qui sont attribués automatiquement par le droit objectif.   Sachant qu’au sein des « effets tributaires », la doctrine processualiste oppose les effets et les attributs du jugement étranger.

1.L’efficacité substantielle:

C’est la doctrine qui nous donne une définition de ce qu’il faut entendre par efficacité substantielle à savoir « toutes les modifications que la décision fait subir au rapport de droit concerné (…) sans qu’on ait, à proprement parler, à procéder à une exécution de la décision ».   L’effet dont il est question ici découle de l’intervention du juge étranger qui s’était prononcé sur le droit substantiel des parties.

Il convient de rappeler que lorsque la jurisprudence reconnait de plein droit certains jugements étrangers, elle leur permet de déployer leurs effets autres que l’exécution dans l’Etat d’accueil sans aucun contrôle « a priori ». Les effets visés sont l’efficacité substantielle et l’autorité de chose jugée.  Cependant, la reconnaissance de plein droit permet le déploiement provisoire de ses effets. Ce n’est qu’à l’occasion d’un contrôle « a posteriori » du jugement que la régularité internationale confirmera ou infirmera son efficacité substantielle.

2.L’autorité de la chose jugée:

Tout d’abord il importe d’être rappelé que l’autorité de la chose jugée est traditionnellement appréhendée sous ses deux aspects : autorité positive de chose jugée et autorité négative de chose jugée.

Pour les besoins de cette étude, il convient de se référer aux définitions que leur donne le Professeur Olivier Cachard. Ainsi, selon lui, l’autorité positive de la chose jugée « se traduit par la présomption de vérité attachée à l’objet du jugement et à son dispositif » tandis que l’autorité négative de la chose jugée « se traduit par l’irrecevabilité de toute nouvelle demande ».

Elle implique ainsi que ce soient les mêmes parties et que le litige porte sur le même objet que celui qui a déjà été jugé à l’étranger.

Or, la distinction entre l’autorité positive de chose jugée et l’efficacité substantielle du jugement est subtile et parfois difficile à saisir, de sorte que certains auteurs considèrent qu’elles coïncident tandis que d’autres mettent en avant leurs différences. Cependant, en droit international privé on s’intéresse davantage à son aspect négatif. Autrement dit, dans quelle mesure un jugement rendu à l’étranger peut rendre irrecevable une action nouvelle formée devant le juge français portant sur le même problème de droit réglé à l’étranger.

Conformément à la doctrine processualiste, l’autorité de la chose jugée (tout comme la force exécutoire) est un attribut de la décision judiciaire qui, au sens du droit objectif, suppose la normativité de la décision et ne doit pas se confondre avec elle.

Pour conclure on peut donc retenir que les procédures de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers sont multiples et donnent lieu à divers effets d’intensité variable en fonction de la procédure choisie. On peut aussi noter une importante libéralisation des conditions de régularité internationale, ce qui conduit l’Etat requis à reconnaître plus volontiers une valeur propre et des effets aux jugements étrangers.

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