HABBOUBI REDOUANE: TENDANCES FORTES DE LA COOPERATION SUD-SUD
HABBOUBI REDOUANE Docteur en droit public et sciences politiques à l’université Cadi Ayyad, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Marrakech.
thème de recherche « Rôle du Maroc dans la coopération sud-sud entre les pays africains ».
RESUME :
Les échanges commerciaux Sud-Sud sont en progrès exceptionnel permettant au sud un essor historique et deviendront de plus en plus fort par rapport à celui du commerce nord-nord et nord-sud. Les tendances de la coopération sud-sud restent illimitées, la priorité aux objectifs économiques, politiques et sociaux donne une idée sur l’influence de l’esprit du marché et les finalités stratégiques des pays dominants tel que la Chine, l’Inde et le Brésil. Les pays du sud ont commencé à réaliser des taux de croissance élevés par rapport aux pays développés.
MOTS CLES :
Coopération sud-sud, tendances, Union Africaine.
INTRODUCTION :
Parmi les effets les plus remarquables, l’on retrouve l’évolution de la dynamique des relations entre les pays du Sud qui ont connu un essor économique important pendant les dernières années. La coopération sud-sud a assuré une relance économique et politique pour ces pays pour mobiliser un co-développement basé sur la solidarité et l’intégration régionale. Le partage technologique qui en résulte aura des effets sur les populations de ces pays.
PROBLEMATIQUE :
Vu les changements économiques et politiques remarqués les deux dernières décennies, quelle est la nature des tendances de la coopération sud-sud , et comment peuvent-elles influencer l’économie internationale ?
- TENDANCES DU COMMERCE SUD-SUD :
Fig. 1 : Commerce nord-nord, nord-sud et sud-sud
North-North US$6.3 trillion (36%) |
Between North and South US$6.3 trillion (36%) |
South-South US$4.9 trillion (28%) |
Source: UNCTAD: UNITED NATIONS CONFERENCE ON TRADE AND DEVELOPMENT, Handbook of Statistics 2018 United Nations Publications, New York, p21.
Les échanges commerciaux Sud-Sud sont en progrès exceptionnel permettant au sud un essor historique ; Le commerce Sud-Sud est passé de 10% en 1995 à plus de 30% en 2000.
Le progrès se poursuit encore pour atteindre 28% en 2017, tandis que la part du commerce nord-sud est de 36 %[1].
Fig. 2 : TENDANCES DU COMMERCE SUD-SUD 1995-2008[2]
Commerce mondial ($E.-U. Million) |
Commerce sud-sud ($E.-U. Million) |
Part du sud dans le commerce mondial (% arrondi) |
|
1995 | 5 080 211 | 545 227 | 11% |
2000 | 6 476 208 | 794 817 | 12% |
2005 | 10 508 914 | 1 696 566 | 16% |
2008 | 16 204 930 | 3 088 750 | 19% |
Source: Système d’information sur le commerce Sud-Sud de la CNUCED.
Le commerce sud-sud évolue d’une manière remarquable. En effet, celui-ci dépasserait les valeurs enregistrées jusqu’aujourd’hui et deviendrait de plus en plus fort par rapport à celui du commerce nord-nord et nord-sud.
Le rapport de 2007 du Secrétaire général des Nations Unies, lors de l’assemblée générale, sur l’état de la coopération Sud-Sud, montre l’évolution des échanges commerciaux Sud-Sud, les flux d’aide et les appuis institutionnels de cette forme de coopération adoptés par concertation par l’assemblée générale en vue d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement au niveau international[3].
2: LES TENDANCES ECONOMIQUES, POLITIQUES, SOCIALES DE LA COOPERATION SUD-SUD :
Plus fortes tendances apparaissent de différentes dimensions économiques, politiques, sociales, culturelles…
Les organisations internationales tel que (ONU, PNUD, CNUCED…etc.) ont adopté cette forme de coopération, en l’encourageant par plusieurs effets et décisions dans les conférences et assemblées et en décrivant les grands objectifs de cette coopération dans les documents officiaux.
Citons quelques exemples, en commençant par l’Agenda 2063 de l’Union Africaine :
L’Union Africaine, dans son agenda 2063, a proposé sept grandes aspirations lors de la vingt-quatrième session ordinaire, à Addis-Abeba (Éthiopie) en 2015, qui portent éclairage sur les fortes tendances des pays du continent qui sont citées en visant des objectifs dans l’avenir pour l’Afrique:
L’avenir estimé par les membres de l’organisation africaine que ses peuples soient en prospérité, visant une croissance inclusive et un développement durable.
Le continent doit être intégré, caractérisé par son unité sur tous les plans politique, économique et social, solidaire à partir des principes du panafricanisme et cherchant une renaissance commune.
Les dimensions de la bonne gouvernance et la démocratie sont fortement demandées, les droits de l’homme doivent être respectés, l’égalité devant la justice doit être appliquée.
Les objectifs de paix et de sécurité évitent l’instabilité et garantissent le développement.
L’identité africaine est une fierté des peuples du continent, de même les valeurs sont communes, et l’éthique est partagée.
Le développement doit être basé sur les populations, la meilleure richesse surtout le taux élevé des jeunes qui est un facteur important pour la construction et l’emploi.
Les pays du continent doivent être forts, unis et influents au niveau mondial pour l’intérêt commun des peuples[4].
Dans son rapport 2018, l’Union Africaine et l’OCDE nous éclairent les méga-tendances de la dynamique du développement du continent, qui doivent être en harmonisation avec les stratégies du développement durable, et la forte intégration dans l’économie mondiale[5].
Ces cinq méga- tendances sont les suivantes :
Le résultat de la forte croissance des pays émergents ouvre la porte au pays africains de suivre ce modèle, renforcer les relations sud-sud et diversifier les productions.
Exploiter la mutation numérique pour une meilleure gestion des entreprises locales, chercher des nouveaux marchés financiers pour investir et minimiser les coûts de production.
La croissance démographique et la part de sa jeunesse est un facteur fort pour le développement et un grand dividende.
L’urbanisme en Afrique augmente et domine l’emploi, la plupart des africains résideront dans les zones urbaines d’ici 2035.
Le changement climatique menace 27 pays africains (parmi 33 au niveau mondial), il faut trouver des solutions urgents à ce problème sur la scène mondiale et régionale[6].
Les tendances de la coopération sud-sud restent illimitées, la priorité aux objectifs économiques, politiques et sociaux donne une idée sur l’influence de l’esprit du marché et les finalités stratégiques des pays dominants tel que la Chine, l’Inde et le Brésil…
Dans le rapport du secrétaire général de l’ONU on constate cette traduction de la volonté d’augmenter le volet économique et commercial pour bénéficier de la coopération sud-sud comme vecteur de développement:
Les échanges du commerce sud-sud en éloge, ce qui traduit un modèle d’expansion pour le développement[7].
L’essor de la Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres pays émergents facilite le passage technologique et la construction d’infrastructures pour l’intérêt des pays du sud.
Les pays du sud ont commencé à réaliser des taux de croissance élevés par rapport aux pays développés(en général en stagnation depuis la crise de 2007) et ceci est constaté conformément aux rapports précédents, surtout pendant la période de crise financière, le continent Africain n’est pas fortement touché.
Selon le même rapport du Secrétaire général (A/60/257), cette augmentation est due aux investissements et échanges commerciaux entre les pays du sud qui ont résisté aux fluctuations des marchés internationaux[8].
Ces taux de croissance encourageants ne reflètent pas une évolution technologique qui a besoin d’amélioration manufacturière et d’innovation, l’Afrique reste liée aux ressources naturelles et au tourisme, sa forte démographie reste mal exploitée d’où la nécessité de revoir les modèles de développement adoptés.
Parmi les défis importants à surmonter les prochaines années, la transformation de l’économie des pays africains, pour une bonne exploitation de l’augmentation de la croissance. Le secteur manufacturier qui est capable de créer plus d’emploi et d’opportunités économiques reste faible[9].
D’importantes tendances s’émergent dans la coopération Sud-Sud au cours des dernières années pour réaliser les objectifs du millénaire du développement, ces défis résident selon l’ONU [10] dans :
L’orientation des initiatives entre les pays du Sud vers la réalisation des objectifs du développement humain durable sur la scène internationale, ces objectifs nommés ‘objectifs du Millénaire pour le développement’’ résident dans :
L’intensification et l’encouragement de la coopération sud-sud et de la coopération triangulaire comme outils importants pour le développement des pays du sud.
Soutenir les partenariats bilatéraux et multilatéraux, et cohérer avec les objectifs du développement humain durable des nations unies.
Promouvoir les secteurs privé et public, et financer les programmes novateurs dans cette coopération[11].
Il est à noter que la coopération sud-sud est considérée comme une source financière pour le développement durable vu les problèmes financiers que connait ce genre de politiques.
Avec son élargissement important dans tous les coins du monde, son évaluation est importante pour améliorer son efficacité et surmonter les retombées. L’objectif n° 17 du développement durable stipule que la coopération Sud-Sud est une source de financement[12].
Une source de développement durable, le sud présente une évolution économique importante à exploiter surtout dans le financement des projets de nature humaine et sociale.
Selon l’avis commun sur les objectifs et tendances de la coopération Sud-Sud, les pays en développement sont d’accord à propos de sa contribution au programme de développement durable dans l’avenir, et ceci après la collecte d’information et l’évaluation.[13]
En matière d’investissement étranger, plusieurs pays du continent ont connu une forte progression, même s’il y a une chute au niveau mondial à cause des crises économiques, ce qui traduit l’attractivité économique et l’aptitude à s’adapter au climat financier difficile, les pays d’Afrique au cours de la construction des infrastructures.
La chute des investissements étrangers directs(IED) avec une part de 23% est une cause directe des crises économiques, elle est de l’ordre de 1430 milliards de dollars, en contradiction avec la forte croissance économique et les valeurs d’change commercial[14] .
La résistance aux crises est due principalement à l’indépendance économique et la diversification des activités, la croissance dans la plupart des pays d’Afrique continue même-si les pays d’occident en stagnation.
En 2016 le monde a connu une baisse de cours des matières premières, en conséquence une chute des investissements directs étrangers .Les pays africains ont enregistré généralement une diminution avec quelques exceptions.
La diminution des flux des IDE vers l’Afrique centrale a enregistré un taux de 22 %, à 5,7 milliards de dollars[15].
Tandis que celle enregistrée dans de l’Afrique de l’Ouest est de l’ordre de 11 %, avec 11,3 milliards de dollars.
Selon le même rapport de la CNUCED, dans l’Afrique de l’Est cette chute est minime (3%) avec 7,6 milliards de dollars en 2017, cette région connait la plus forte croissance, sa moitié en Ethiopie. De même Au Kenya, l’IDE passe à 672 millions de dollars, avec une hausse de 71 %, grâce aux télécommunications.
En Afrique australe, la diminution est de l’ordre de 66 %, à 3,8 milliards de dollars. L’augmentation des IDE en Zambie est à cause de la découverte des gisements de cuivre.
L’augmentation des flux des IDE dans la dernière décennie dans l’Afrique subsaharienne est une conséquence de l’adoption d’une politique libérale favorable aux flux entrants.
Elle s’est multipliée six fois pendant la dernière décennie, dans les domaines bénéficiant des avantages comparatifs comme les mines, la construction et l’agriculture.
Les flux des IDE importants proviennent des pays émergents (la Chine, l’Inde, le Brésil, la Malaisie) dans le cadre de la coopération sud-sud, un transfert jugé moins couteux et plus adaptable.
3 : LE MAROC ET LES TENDANCES DE COOPERATION SUD-SUD :
D’autres tendances de la coopération sud-sud du Maroc avec les pays d’Afrique apparaissent, comme la formation universitaire et professionnelle, la gouvernance institutionnelle, l’émigration…
En effet les trois quart des étudiants étrangers au Maroc sont d’une quarantaine de pays africains, ce qui augmente les relations culturelles et sociales maroco-africaines.
Le Maroc a participé en Afrique sur d’autres plans pour le maintien de paix, et de sécurité dans plusieurs pays comme le Mali, la Côte d’ivoire, le Congo, la Centrafrique…
Egalement, il a participé à soutenir les peuples africains contre les inondations[16], la sécheresse, la pandémie covid19 comme au Niger, Madagascar, Kenya, Burkina Faso…etc.
Dans la coopération tripartie qui groupe le Maroc avec un pays développé pour le développement des pays africains, on a remarqué une forte participation dans les domaines industriels comme le secteur automobile, chimique, scientifique et aéronautique. Le Maroc organise avec des organisations onusiennes comme la FAO des projets pour promouvoir le développement durable et soutenir les peuples africains et lutter contre la pauvreté et le chômage .
A l’instar des pays africains, le Maroc bénéficie de plusieurs avantages de proximité et d’intégration régionale et d’appartenance à l’Union Africaine. Dans le cadre de la coopération sud sud avec une approche « gagnant-gagnant », le Maroc a signé un grand nombre de contrats dans plusieurs domaines politiques, économiques et culturels….
Les pays du continent se caractérisent par plusieurs atouts et avantages comparatifs au niveau mondial, comme les matières premières, la croissance démographique surtout des jeunes, le marché important pour la commercialisation, l’énergie…Ces caractéristiques donnent au pays du continent un poids lourd dans l’économie mondiale.
CONCLUSION :
Le besoin à un groupement régional Africain s’amplifie pour protéger les peuples du continent des influences étrangères. La création de l’Union Africaine vise cette transformation en partageant les connaissances et l’expertise, l’agenda 2063 du comité de l’UA cite les grandes tendances dans l’avenir. Est-ce que l’Union Africaine peut résister à cette forte concurrence économique avec les autres groupements économiques à travers le monde et réaliser les objectifs généraux du développement des pays et peuples du continent ?
BIBLIOGRAPHIE :
Assemblée générale des Nations Unies, Résolution A/ RES/64/222
CNUCED « rapport sur l’investissement dans le monde, l’investissement et les nouvelles politiques industrielles : repères et vue d’ensemble nations unies » New York et Genève, 2018 p9.
CORTES ZEA, Carlos(2016), « La coopération Sud-Sud du Mexique, au sein de la nouvelle configuration de la coopération internationale pour le développement post-2015, thèse soutenue en 2016 Université Paris-Saclay.
CUA/OCDE (2018), Dynamiques du développement en Afrique 2018 : Croissance, emploi et inégalités, CUA, Addis Ababa/Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/9789264302525-fr.
https://www.forumducommerce.org/centren,centre du commerce international, consulté le 13/6/2019.
Márcio Lopes Corrêa Coordinateur général de la coopération technique multilatérale, Agence brésilienne de coopération (ABC) La quantification de la coopération Sud-Sud et ses conséquences sur la politique étrangère des pays en développement : RAPPORT SUR LES POLITIQUES, centre sud unité du sud progrès du sud N° 41, Juillet 2017.
Nations Unies ,Assemblée générale « État de la coopération Sud-Sud » Rapport du Secrétaire général ,Distr. générale 23 août 2007 ,A/62/295, p3.
UNCTAD: UNITED NATIONS CONFERENCE ON TRADE AND DEVELOPMENT, Handbook of Statistics 2018 United Nations Publications, New York, p21.
L’Union Africaine, « L’Afrique Que Nous Voulons » Édition finale publiée en avril 2015, Commission de l’Union Africa ine Agenda 2063 Édition finale, Version populaire , p2.
(*) Cet article est accepté par le comité scientifique du Centre maroc du droit pour les études et les recherches juridiques
[1] UNCTAD: UNITED NATIONS CONFERENCE ON TRADE AND DEVELOPMENT, Handbook of Statistics 2018 United Nations Publications, New York, p21.
[2] https://www.forumducommerce.org/centren,centre du commerce international, consulté le 13/6/2019
[3] Nations Unies, Assemblée générale « État de la coopération Sud-Sud » Rapport du Secrétaire général Distr. Générale,23 août 2007, A/62/295
[4] L’Union Africaine, « L’Afrique Que Nous Voulons » Édition finale publiée en avril 2015, Commission de l’Union Africaine Agenda 2063 Édition finale, Version populaire , p2
[5] CUA/OCDE (2018), Dynamiques du développement en Afrique 2018 : Croissance, emploi et inégalités, CUA, Addis Ababa/Éditions OCDE, Paris, p24
[6] CUA/OCDE (2018), Dynamiques du développement en Afrique 2018 : Croissance, emploi et inégalités, CUA, Addis Ababa/Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/9789264302525-fr.
[7] Nations Unies ,Assemblée générale « État de la coopération Sud-Sud » Rapport du Secrétaire général ,Distr. générale 23 août 2007 ,A/62/295, p3.
[8] Nations Unies ,Assemblée générale « État de la coopération Sud-Sud » Rapport du Secrétaire général , Distr. générale 23 août 2007 ,A/62/295, p3
[9] CNUCED « rapport sur l’investissement dans le monde, l’investissement et les nouvelles politiques industrielles : repères et vue d’ensemble nations unies » New York et Genève, 2018, p iv
[10] Ibid.
[11] CORTES ZEA, Carlos(2016), « La coopération Sud-Sud du Mexique, au sein de la nouvelle configuration de la coopération internationale pour le développement post-2015, thèse soutenue en 2016 Université Paris-Saclay.
[12] Márcio Lopes Corrêa Coordinateur général de la coopération technique multilatérale, Agence brésilienne de coopération (ABC) La quantification de la coopération Sud-Sud et ses conséquences sur la politique étrangère des pays en développement : RAPPORT SUR LES POLITIQUES, centre sud unité du sud progrès du sud N° 41, Juillet 2017.
[13] Assemblée générale des Nations Unies, Résolution A/ RES/64/222
[14] CNUCED « rapport sur l’investissement dans le monde, l’investissement et les nouvelles politiques industrielles : repères et vue d’ensemble nations unies » New York et Genève, 2018 p9.
[15] CNUCED « rapport sur l’investissement dans le monde, l’investissement et les nouvelles politiques industrielles : repères et vue d’ensemble nations unies » New York et Genève, 2018 , p29.
[16] CNUCED « rapport sur l’investissement dans le monde, l’investissement et les nouvelles politiques industrielles : repères et vue d’ensemble nations unies » New York et Genève, 2018 ,p10