La bonne foi dans la phase précontractuelle en droit civil français
OUL-CAID Brahim Etudiant-chercheur
Si la bonne foi est difficile à définir, il est d’autant plus délicat de l’identifier et de la cerner par ses effets juridiques et ses conséquences logiques. L’obligation de bonne foi dans la phase précontractuelle devient, avec la réforme du droit des contrats de 2016, une réalité juridique et législative et non plus une affaire laissée à la discrétion des juges.
«On peut convaincre la mauvaise foi, la bonne foi est invulnérable»
Rémy de Gourmont, Les réflexions sur la vie (1895-1898)
Parmi les innovations les plus saillantes de la réforme du droit des obligations[1] en France, il y a, a fortiori, celle liée à l’introduction, dans la phase précontractuelle, du principe de bonne foi déclaré d’ordre public[2].Le droit civil français prône, dès sa codification napoléonienne en 1804, les principes de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté. Ceux-ci l’ont tellement influencé qu’ils ont en fait un droit neutre s’appliquant sans prendre en considération ni la qualité des parties en place ni leurs positions. «Les lois civiles, comme disait Portalis, disposent sur les rapports naturels ou conventionnels, forcés ou volontaires, de la rigueur ou de la simple convenance, qui lient tout individu à un autre ou à plusieurs»[3]. En effet, si la réforme de 2016 consacre, de nouveau, le pouvoir de la volonté[4] et la liberté contractuelle[5], l’affirmation de ces principes ne saurait aller sansdes contrepoids générateurs de sécurité juridique ce qui fait que, désormais, le principe de bonne foi ou devoir de loyauté traverse de bout en bout le domaine des obligations conventionnelles[6]. Inspirée par les projets d’harmonisation européenne du droit des contrats[7] et des principes Unidroit[8], l’ordonnance de 2016 a fait des principes de justice contractuelle, de sécurité juridique et de l’éthique contractuelle les siens. La preuve en est que le principe de bonne foi n’est plus réservé au stade d’exécution des contrats seulement, mais aussi, il est étenduà la phase précontractuelle.
En fait, s’il est défini comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations[9], un contrat peut être conclu en un instant de raison comme il peut être précédé d’une phase de négociations, au cours de laquelle les parties envisagent et discutent leur futur projet[10]. Donc, la phase précontractuelle s’entend de «négociations consistant en un ensemble d’échanges précédant la formation de l’accord, en vue d’identifier, puis de résoudre les problèmes que posera la relation économique envisagée et d’accorder, ensuite, les volontés des intéressés sur la discipline que constitue le contrat»[11].
D’ores et déjà, les parties aux négociations d’un contrat futur doivent négocier de bonne foi et se comporter loyalement l’une envers l’autre afin de faciliter le rapprochement de leurs volontés. Faute de quoi, elles risqueraient de voir leur responsabilité civile engagée.
Ceci dit, le caractère général du devoir précontractuel de bonne foi pose un certain nombre de problèmes liés à sa définition et à la détermination de ses contours juridiques. Pour essayer d’apporter une réponse à ces problèmes, nous allons, dans un premier lieu, tenter de le définir (I), en nous concentrant sur ses caractéristiques et son origine jurisprudentielle, avant d’aborder, dans un deuxième lieu, ses effets juridiques (II) incarnés par l’obligation précontractuelle d’information et l’obligation précontractuelle de confidentialité.
- La définition du principe de bonne foi
La notion de bonne foi[12]n’a pas fait l’objet d’une définition juridique dans le droit commun des contrats[13]ce qui a donné libre cours aux définitions adoptées par la doctrine. En effet, l’on peut définir la bonne foi comme la croyance qu’a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d’agir sans léser les droits d’autrui[14]. Donc, la bonne foi évoque ainsi la qualité d’une personne qui parle, agit avec loyauté, selon sa conscience[15]. Elle évoque, d’abord, la croyance erronée en l’existence d’une situation juridique régulière, que cette croyance repose sur la seule ignorance ou sur une apparence trompeuse[16]. Au début, en droit romain, le principe de bonne foi servit de moyen d’interprétation, contrat de droit strict et contrat de bonne foi, il devient, par la suite, un principe moral, et avec le temps, il commence à prendre une coloration sociale voire solidariste[17]. Face à l’absence de définition juridique pure et simple de la notion de bonne foi, nous essayerons, dans ce cadre, de jeter la lumière sur certaines de ses quelques caractéristiques dans la phaseprécontractuelle(A) avant de voir dans quelle mesure l’introduction de la bonne foi dans cette phase a été la consécration d’une solution jurisprudentielle antérieure (B).
A.Les caractéristiques du principe de bonne foi
Il s’avère que, dans la mesure où ni le nouvel article 1104-alinea 1 ni le nouvel article 1112 du code civil français, institués par l’ordonnance de 10 février 2016, n’ont pas précisé les contours ni les caractères du principe de bonne foi, il faut s’en référer à la doctrine pour savoir quels sont les traits qui marquent et distinguent ce principe au niveau de la phase précontractuelle.
En effet, La bonne foi, qui permet de prolonger ou de tempérer les dispositions explicites du contrat, a un lien étroit avec la confiance dont se sont réciproquement investis les cocontractants. Chacun des cocontractants doit se comporter en tenant compte de la confiance investie en lui par son cocontractant. Chacun des cocontractants doit se comporter en inspirant de la confiance à l’autre partie au contrat. Chacun d’eux doit donc inspirer confiance à l’autre et pouvoir avoir confiance en l’autre[18]. Donc, la bonne foi se manifeste, chez les négociateurs d’un contrat futur, au niveau de leurs comportements et leurs attitudes. Ils se trouvent, désormais, obligés de n’épargner rien et de faire leur possible pour mener à bien leurs négociations.
Ceci dit, chacune des parties doit[19], conformément aux usages et pratiques en place et au stade où en sont les négociations, êtreà la hauteur de la confiance et des espérances de l’autre partie. Pour mesurer la bonne foi ou la mauvaise foi d’un partenaire, on compare son comportement au comportement d’un ̎homme normalement avisé̎. C’est ce qu’on appelle le comportement de référence[20].
Force est de reconnaitre que la bonne foi est une norme générale de conduite[21]. Elle se présente, alors, comme la matrice d’un devoir de coopération et de collaboration dans les négociations qui devraient aboutir à un contrat conçu comme un microcosme composé de personnes poursuivant un intérêt commun[22].
En outre, l’obligation de négocier de bonne foi engage les partenaires à ne pas faire de propositions inacceptables qui pourraient mener les négociationsà un échec, voire entreprendre des propositions sérieuses et constructives en rapport avec l’objet et l’importance économique du contrat projeté[23]. Les parties sont tenues de faire en sorte que leurs négociations soient faites dans des meilleurs délais. Elles sont invitéesà tout mettre en œuvre, non pas pour conclure le contrat définitif, mais pour voir leurs négociations réussies[24]. On parle dès lors d’une obligation de moyen et non pas de résultat[25].
Cela faisant, un comportement est loyal s’il remplit deux conditions. La première se rapporte à la finalité et la pratique doit ainsi se conformer à la diligence du bonus vir. La deuxième vise les effets, c’est-à-dire que l’attitude des parties ne doit pas altérer de manière substantielle le comportement économique d’une partie normalement informée et raisonnablement attentive[26]. Autrement dit, le comportement des parties dans la phase précontractuelle s’articule autour de l’obligation de se monter loyal dans la négociation, de ne pas créer des apparences susceptibles d’induire l’autre partie en erreur sur l’issue des discussions, d’avoir égard aux légitimes expectatives de cette autre partie, de tenir compte de sa situation et des inconvénients pouvant résulter pour elle de telle ou telle attitude[27].
A vrai dire, nul ne peut nier l’importance des articles 1104 et 1112 du code civil, tels qu’institués par l’ordonnance de 10 février 2016, dans la mesure où ils ont étendu la bonne foi au stade des négociations des contrats. Cette extension doit être saluée car elle répond mieux aux attentes des opérateurs économiques leur offrant un juste équilibre entre la liberté de contracter et la justice contractuelle[28]. Or, l’on se pose la question de savoir l’importance de cette orientation des lors qu’une telle solution était déjà permise et adoptée par la jurisprudence.
B.L’origine jurisprudentielle de la bonne foi en matière précontractuelle
Si les négociations devaient être menées de bonne foi, c’est parce qu’elles seraient, par la suite,à la base d’une opération économique utile et profitable à la Société dans son ensemble et, une opération économique fondée sur la mauvaise foi ne saurait jamais réaliser ses objectifs. C’est pour cette raison que le juge n’a jamais hésité d’user de son pouvoir discrétionnaire pour «rappeler à l’ordre» laquelle des parties qui a rompu des négociations d’une manière déloyale chose qui préjudice à l’autre partie. La périodeprécontractuelle n’a jamais été « un no man’s land juridique»[29]. Si l’obligation de négocier de bonne foi n’était inclue dans le code civil avant l’ordonnance de 10 février 2016, cela ne veut pas dire que les négociationsprécontractuelles se déroulaientde telle sorte que n’importe quelle partie, à n’importe quel moment, pouvait y mettre fin sans tenir compte ni des intérêts ni de la confiance de l’autre partie. Au contraire, la jurisprudence nous montre que la liberté contractuelle, si elle est la condition sine qua non des pourparlers, doit toujours êtretempérée par le souci d’un équilibre contractuel et par le principe de bonne foi. D’ailleurs, dans un arrêt rendu par la Cour de Cassation en date de 20 mars 1972[30], la Haute juridiction française a approuvé les juges du fond[31]d’avoir admis la responsabilité de celui qui a rompu sans raison légitime des pourparlers avancées. En outre, dans un autre arrêt rendu en date de 22 février 1994[32], la Cour de Cassation a donné raison aux juges du fond qui ont décidé qu’une société, propriétaire de locaux où était exploité un fonds de commerce, avait abusé de son droit de rompre les négociations qu’elle avait engagées avec les exploitants du fonds en vue de la vente de celui-ci à un tiers, des lors qu’il résulte de l’ensemble des constatations que cette société avait agi avec une légèretéblâmable. A plusieurs reprises, la Cour de Cassation[33] n’a pas hésité à approuver les décisions des juridictions du fond pour avoir retenu le manque de loyauté, dans la période des pourparlers, comme faute entraînant la responsabilité délictuelle de la partie fautive. Ainsi, après avoir admis, dans ses décisions antérieures[34], le principe de l’engagement de la responsabilité délictuelle de l’auteur de la rupture fautive de pourparlers, la Haute juridiction dans l’arrêt[35], dit arrêt Manoukian, affine le régime qui lui est applicable, en précisant l’étendue du dommage réparable[36]. En effet, La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir retenu l’existence d’une faute dans la rupture des pourparlers, rupture ayant eu lieu pendant le délai de réalisation prévu. Elle a limité la réparation du préjudice subi aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables effectuées et a refusé de voir, dans les circonstances de la rupture, « la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ». Enfin, elle a précisé que « le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s’il est dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute (…) »[37].
L’on peut déduire qu’en disposant : « en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages», le second alinéa de l’article 1112 du code civil consacre largement ledit arrêt. En tout état de cause, la jurisprudence de la Cour de Cassation a constitué un rempart contre toute rupture brutale et abusive des négociations[38]. Force donc est de constater que la volonté du juge de protéger la confiance légitime des négociateurs précède, plus ou moins, celle du législateur. Celui-ci a rattrapé son retard en incluant le principe de bonne foi dans les dispositions régissant la phase des négociations.
Quoiqu’il en soit, la loyauté contractuelle, corollaire du principe de bonne foi, exige que les parties aux pourparlers respectent un certain nombre d’obligations à savoir, l’obligation d’information et de confidentialité.
2Les effets juridiques du principe de bonne foi
D’autant que l’obligation de négocier de bonne foi est corollaire d’un devoir général de loyauté, celui-ci fait jaillir de lui d’autres obligations qui ont pour but d’éclaircir et de protéger des négociations. En effet, le comportement loyal, imposé aux négociateurs d’un contrat futur, exige le respect de l’obligation précontractuelle d’information et de l’obligation de confidentialité. Le professeur Laurent AYNES, dans un colloque organisé en 2012 sous le thème «la loyauté et l’impartialité en droit des affaires», a avancé que :
- En premier lieu, la loyauté « est affaire de comportement ». Elle se traduit « tantôt par une obligation d’abstention, tantôt par une obligation d’information » ;
- En second lieu, le devoir de loyauté consiste non pas à « sacrifier ses propres intérêts », mais à « adopter dans l’exercice de ceux-ci une attitude qui ne surprenne pas la confiance légitime d’autrui»[39]
Ainsi, allons-nous aborder ces deux obligations précontractuelles en nous penchant, tout d’abord, sur l’obligation précontractuelle d’information (A) avant de finir par l’analyse de l’obligation précontractuelle de confidentialité (B).
A.L’obligation précontractuelle d’information
De jure, le nouvel article 1112-1 du code civil français modifié par l’ordonnance n˚2016-131, dispose : «Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants».
Tout d’abord, l’obligation d’information précontractuelle en droit français a étédéveloppée par la jurisprudence[40]. Ce devoir s’appuie en principe sur la notion de bonne foi[41]. Cela étant dit, le nouvel article 1112-1 met à la charge des parties aux négociations un devoir d’information d’ordre public portant sur l’objet du futur contrat ou la qualité des parties et qu’il sanctionne de manière spécifique[42]. Désormais, celle des parties aux négociations, qu’elle soit un professionnel ou non, qui connait une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie doit l’en informer dès lors que cette dernière ignore légitimement cette information ou lui fait confiance[43].
A dire vrai, les conditions de cette obligation d’information sont également conformesau droit positif : le devoir d’informationporte sur les informations déterminantes,c’est-à-dire celles ayant un « liendirect et nécessaire avec le contenu ducontrat ou la qualité des parties ». L’informationn’a en revanche pas à portersur l’estimation de la valeur de la prestation[44]. Le dispositif mis en place par ledit article constitue une révolution juridique encore qu’il consacre une jurisprudence déjà controversée. En effet, l’article 1112-1, en indiquant que le devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation, semble reprendre la jurisprudence «Baldus»[45]ce qui répond aux inquiétudes des entreprises et favorise la libre négociation dans la détermination du prix[46].
Sur ce et d’ores et déjà, il n’appartient aux parties aux négociations d’un futur contrat que de s’efforcer de fournir, mutuellement, un maximum d’information et se ménager la preuve que ces informations ont été fournies, par exemple, en prévoyant la signature par ses partenaires du document précontractuel qui leur a été transmis[47]. Le comportement loyal des négociateurs d’un contrat nécessite également qu’ils fassent preuve d’un devoir de confidentialité. Comment?
B.L’obligation de confidentialité
Nul besoin de rappeler que le devoir général d’information et l’obligation de confidentialité soient étroitementliés. D’une part,cette liaison résulte de fait qu’ils sont tous de la même origine. Ils participent tous du principe de bonne foi. D’une autre part, l’obligation de confidentialité dépendde l’obligation d’information dans la mesure où elle consiste à protéger la partie qui a révélé certaines informations à l’autre partie contre la divulgation de ces informations. L’obligation de ne pas divulguer des informations obtenues à l’occasion des négociations concerne la phase précontractuelle, en premier lieu, sans pour autant écarter l’hypothèse d’une obligation de confidentialité dont les effets dépassent les pourparlers. Il s’agit de l’hypothèse de l’échec des négociations. Dans ce cas d’espèce, les parties seraient tenues à cette obligation si quelques informations importantes ont été révélées.
En effet, le nouvel article 1112-2 du code civil dispose : «Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun». Cet article corrobore ce qui précède. Il en résulte que l’obligation de confidentialité n’est qu’une contrepartie de l’obligation de l’information. D’ailleurs, la rédaction de cet article s’est inspirée de dispositions des projets d’harmonisation européens[48]. Il vient apporter une réponse convaincante aux négociateurs de contrats de transfert de savoir-faire et des contrats informatiques ou de transfert de technologie[49].
Dorénavant, le négociateur qui viole cette obligation abuse de la confiance légitime de son partenaire qui ne lui aurait pas communiqué les informations s’il avait su qu’elles auraient été mal utilisées[50]. La sanction du manque à cette obligation se fait selon les mécanismes de la responsabilitédélictuelle ou quasi- délictuelle[51].
Enfin, pour éviter les embarras liés à la violation de cette obligation, les parties aux négociations auraient intérêt à stipuler des clauses de confidentialité et rédiger des accords de confidentialité pour s’assurer de la sécurité de telle ou telle information[52]
Conclusion
En guise de conclusion, la réforme du livre III du code civil français faite par l’Ordonnance n˚2016-131 du 10 février 2016, accompagnée par d’autres réformes très importantes surtout celle relative à la responsabilité civile, a répondu, plus ou moins, aux exigences de la sécurité juridique et de la justice contractuelle, tant chères aux opérateurs économiques. L’introduction du principe de bonne foi dans la phase précontractuelle a comblé quelques lacunes juridiques rencontrées, auparavant, dans cette phase liées notamment à la rupture des négociations. Nous ne pouvons qu’émettre nos souhaits pour que le législateur marocain fasse de même car, un contrat négocié de bonne foi peut aboutir à une opération économique équilibrée et utile à toute la Société.
[1] Cette refonte a été faite par voie de l’ordonnance n˚2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et ratifiée par la loi n˚2018-287 du 20 avril 2018. Pour rappel, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis au droit ancien. Ceux conclus entre 1er octobre 2016 et 1er octobre 2018 sont soumis à un droit intermédiaire- l’interprétation du droit ancien a la lumière du droit nouveau. Enfin, les contrats conclus après le 1er octobre 2018 sont soumis au droit nouveau.
[2] Le nouvel article 1104 dispose :«Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public»
[3] Cité par Pierre CATALA in Avant-projet de réforme du droit des obligations (articles 1101 à 1386 du code civil) et du droit de la prescription (articles 2234 à 2281 du code civil) rapport à monsieur pascal clément garde des sceaux, ministre de la justice 22 septembre 2005.
[4] Le nouvel article 1101 institué par l’ordonnance n˚2016-131 du 10 février 2016 dispose :«Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations».
[5] De même, le nouvel article 1102 dispose :«Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public»
[6] V, Pierre CATALA, Ibid.
[7] V. les projets d’harmonisation européenne du droit des contrats adoptés par le groupe Gondolfi et par la Commission Landö.
[8]V, les principes Unidroit publiés par l’Institut International pour l’Unification du Droit Prive, Rome 2010.
[9] Il s’agit de la définition adoptée par le nouvel article 1101 du code civil français.
[10] V, Joanna SCHMIDT, négociation et conclusion de contrats, manuel du droit usuel, Dalloz.
[11] J.M. Mousseron, Techniques contractuelle, 2eme édition, Francis Lefebvre, P, 31.
[12] En droit anglais, on parle de «bona fide» ou «good faith». V, Vanessa SIMS, Good Faith in English Contract Law : of triggers and concentric cercles, vol 1, n˚2, AnkaraLaw Review, disponible sur l’Internet.
[13] Le code civil français, avant la réforme effectuée en 2016, s’est contenté d’énoncer que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Apres l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, le principe de bonne foi est étendu à la phase précontractuelle, c’est-à-dire aux négociations qui précèdent la conclusion d’un contrat, sans pour autant le définir.
[14] Pour une vue d’ensemble, visiter le site du Dictionnaire Juridique de Serge BRAUDO, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel de Versailles. Il est disponible sur le net.
[15] Romain LOIR, les fondements de l’exigence de bonne foi en droit français des contrats, mémoire de DEA droit des contrats préparé sous la direction du professeur Christophe JAMIN, session 2001-2002, école doctorale n˚74, Lille 2.
[16] Association Henri Capitan, vocabulaire juridique publie sous la direction du Doyen G. CORNU In les fondements de l’exigence de bonne foi en droit français des contrats, Op.cit.
[17]Mustapha MEKKI,La bonne foi dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations du 23 octobre2013. V, également, le contrat : entre liberté et solidarité, Mustapha MEKKI in : Face à l’irresponsabilité : la dynamique de la solidarité, Paris, Collège de France, 2018.
[18] Philippe BRUNSWICK, le devoir de loyauté : une norme générale de comportement oubliée puis retrouvée,cahiers de droit de l’entreprise n° 1, janvier-février 2016.
[19] L’utilisation du verbe «devoir» ici reflète le caractère d’ordre public de ce principe.
[20] Pour plus d’illustrations, V. Schmidt Joanna. La période précontractuelle en droit français. In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 42 N°2, Avril-juin 1990. Etudes de droit contemporain. pp. 545-566 ; Négociation et Conclusion de Contrats de même auteure, manuels Dalloz du droit usuel.
[21] Mustapha MEKKI, article déjà cité.
[22] Ibid.
[23] Caroline ASFAR-CAZENAVE, le nouveau droit français des contrats.
[24] Ibid.
[25] Ibid.
[26] Radu STANCU, l’évolution de la responsabilité civile dans la phase précontractuelle : comparaison entre le droit civil français et le droit civil romain a la lumière du droit européen, thèse du doctorat soutenue le 1 septembre 2015, Université de Strasbourg, P. 85 et s.
[27] Ibid.
[28] Caroline ASFAR-CAZENAVE, Op.cit.
[29] Denis MAZEAUD, cité par Nicolas DISSAUS et Christophe JAMIN, réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, commentaire des articles 1100 à 1368-1 du code civil.
[30] Cass. Com, n˚70-14.154, 20 mars 1972, V, Legifrance.gouv.fr.
[31] Cour d’Appel COLMAR le 13 juillet 1970.
[32] Cass.Com, n˚91-18.842, 22 février 1994. L’arrêt attaque de la Cour d’Appel de Douai du 27 juin 1991.
[33] V, Cass. Civ 1er, n˚98-17.494, 14 juin 2000, inédit, legisfrance.
[34] Y compris celles que nous venons de citer.
[35]Cass. Com, n˚00-10.949, 26 novembre 2003.
[36]Anne-Sophie Dupré-Dallemagne, Nouvelles précisions sur le régime applicable à la rupture unilatérale des pourparlers, recueil Dalloz 2004 p. 869.
[37] Ibid.
[38] V, dans ce cadre, l’arrêt de la Cour de Cassation rendu en date de 8 novembre 2005.
[39] V,Philippe BRUNSWICK, Op.cit., P. 20 et s.
[40] La jurisprudence met à la charge des professionnels, spécialement du vendeur professionnel, une obligation d’information auxquels il incombe de prouver qu’ils se sont bien acquitte de cette obligation. V, l’arrêt de la Cour de Cassation rendu par sa première chambre civile en date de 29 avril 1997. Grosso modo, la jurisprudence impose à tout contractant une obligation d’informer son cocontractant quand ce dernier ne pouvait facilement se procurer lui-même l’information manquante. V, L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation rendu en date 29 novembre 2000.
[41] Radu STANCU, thèse précitée, P. 112 et s.
[42] Caroline ASFAR-CAZENAVE, article déjà cite. V, également, Réforme du droit des obligations, un supplément au code civil 2016, à jour de l’ordonnance n˚2016-131 du 10 février 2016, Dalloz.
[43] Ibid.
[44] V, Marie-Anne LE FLOCH, Coralie LEVENEUR et Rémy MERRIERE, morceaux choisis : la réforme du droit des contrats en 6 questions in le bulletin cheuvreux notaires, n˚84, juillet 2016, P.20 et s.
[45]Arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation en date de 3 mai 2000, n˚98-11.381. Un photographe professionnel, s’étant par le passé porté acquéreur de photographies attribuées à Edouard Baldus dans le cadre d’enchères publiques, avait été contacté par la cédante afin de lui vendre, cette fois-ci de gré à gré, de nouveaux clichés. L’acheteur s’étant gardé de révéler à sa cocontractante la valeur desdites photographies, il les avait acquises pour une somme inférieure aux cotations du marché de l’art. Après avoir découvert la moins-value qu’elle venait de réaliser, la cédante a agi contre le vendeur sur le fondement de la réticence dolosive. Pour qu’il y eût réticence dolosive, encore fallait-il qu’une information due eût été intentionnellement retenue. Le problème de droit était donc simple ; il s’agissait de savoir si l’acheteur était tenu de révéler au vendeur la véritable valeur des biens faisant l’objet de la cession. La première chambre civile trancha lelitige en affirmant qu’aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur.
[46] V, Rémy D’AGOSTIONO et Jean-Jacques SAINZ, le devoir général d’information institué par la réforme du droit des contrats est-il la consécration de la jurisprudence actuelle et d’une certaine pratique notariale ?, in le bulletin cheuvreux notaires, édition spéciale n˚5, juin 2017, P. 24 et s.
[47] V, Joseph VOGEL,réforme du droit des contrats : comment négocier, rédiger et appliquer vos contrats commerciaux après la réforme ?
[48] V, sous l’article 1112-2, Réforme du droit des obligations, un supplément au code civil 2016, Op.cit.
[49] Le degré de risque de divulgation des informations est très élevé dans de tels contrats vu leur nature et leur importance.
[50] Caroline ASFAR-CAZENAVE, article susvisé.
[51] V, Joseph VOGEL, Op.cit.
[52] Ibid.